6 - La chirurgie du reflux et/ou de l’obstruction des veines profondes
Les syndromes obstructifs
L’obstruction veineuse de définit comme l’existence d’un blocage complet - on parle alors d’oblitération - ou partiel de la lumière veineuse. Seule l’obstruction des veines profondes entraîne des anomalies physiopathologiques en fonction de leur localisation. L’oblitération des veines distales est en règle sans effet et c’est surtout au membre inférieur que l’oblitération des veines proximales est préjudiciable, en particulier celle des veines iliaques et cave. Cette oblitération peut être liée à une lésion de la lumière veineuse, le syndrome post-thrombotique le plus souvent, mais également à une compression externe de la veine par une tumeur ou un organe en situation anormale.
Initialement et suivant en cela les principes de la chirurgie artérielle, on a utilisé la technique du pontage (by-pass en anglais). Un pontage consiste à « ponter » une obstruction c’est-à-dire à mettre en place un « conduit » adéquat permettant de remplacer un vaisseau sanguin que l’on branche en amont et en aval de la zone oblitérée. Le premier pontage veineux a été réalisé par un chirurgien Uruguayen EC. De Palma en 1948 qui utilisait la grande veine saphène comme substitut vasculaire des veines iliaques. Ultérieurement, du matériel prothétique a également été utilisé.
En dehors des obstructions liées à un cancer ou il faut réséquer la veine et la remplacer, le traitement par stent est devenu depuis 10 ans la technique de choix. En fait, la technique est une dilatation de la zone sténosée (rétrécie) ou une recanalisation (reconstitution d’un chenal circulant) en cas d’occlusion que l’on réalise en gonflant un ballonnet monté sur un cathéter. Ce cathéter est introduit par voie transcutanée (à travers la peau) par ponction d’une veine à distance sur un guide. Une fois que le siège de l’obstruction a été levé ou la veine recanalisée par le ballonnet, le stent est largué dans la lumière veineuse afin de prévenir une sténose itérative (Fig. 21).
Cette chirurgie endoluminale est moins agressive que la chirurgie à ciel ouvert que représentaient les pontages.
Les syndromes de reflux
Nous ne parlerons ici que des veines profondes, le reflux dans les veines superficielles correspondant aux varices.
Ce reflux peut intéresser les veines des membres inférieurs et les veines pelviennes .
Les syndromes de reflux au membre inférieur. Lorsqu’il est étendu de l’aine au mollet entraîne une augmentation permanente de la pression veineuse qui est particulièrement délétère.
Comme dans les obstructions, l’étiologie* peut être primitive, secondaire* ou congénitale. Dans l’étiologie primitive, on peut réparer la valve et l’intervention s’appelle une valvuloplastie. La première a été réalisée par R. Kistner, Hawaï qui est un des pionniers de la chirurgie veineuse en 1968. Différentes techniques de valvuloplastie ont ensuite été proposées qui peuvent être classées en :
- valvuloplastie interne. La veine est ouverte et la valve réparée sous contrôle direct visuel (Fig. 22)
- valvuloplastie externe. La veine est réparée sans ouverture de la veine (Fig. 23)
Fig. 22. Valvuloplastie (réparation) interne d’une valve de veine profonde :
De gauche à droite et de haut en bas : Tracé en pointillé et ouverture de la veine par une incision en T (veinotomie) ; la veine ouverte, on identifie la valve qui a un aspect translucide ; la réparation valvulaire est effectuée en retendant ses bords libres par des sutures très fines (l’opérateur porte des lunettes loupes); la réparation terminée, les 2 bords libres des valvules (voir fig.2) sont maintenant en contact, la valve est redevenue compétente; fermeture de la veine par suture.
Fig.23. Valvuloplastie (réparation) externe d’une valve de veine profonde :
L’intervention consiste comme dans la valvuloplastie interne (Fig. 22) à remettre en tension les 2 bords libres des valvules (voir fig.2). Pour ce faire, on réalise des points séparés chargeant la paroi veineuse aux 2 commissures (voir fig.2) de la valve.
Source Maleti O., Lugli M., Perrin M. Chirurgie du reflux veineux profond. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire, 43-163, 2009.
Dans l’étiologie secondaire où on identifie le syndrome post-thrombotique comme cause, c’est-à-dire que la valve a été détruite par la thrombose et ne peut être réparée. Dans l’étiologie congénitale, les valves sont absentes ou atrophiées, il en est donc de même. Il faut donc utiliser d’autres techniques chirurgicales :
- Transplantation. Taheri (USA) et Raju (USA) en1982 proposaient d’utiliser une veine du membre supérieur présentant une valve fonctionnelle que l’on pouvait prélever sans dommage et transplanter au membre inférieur (Fig. 24).
Une autre technique consiste à transposer la veine siège d’un reflux sur une autre veine du membre inférieur au-dessous de sa valve compétente (Fig. 25).
Fig.24. Transplantation d’un segment veineux valvulé (de haut en bas)
A ,B & C. On prélève un segment d’une veine du membre supérieur à l’aisselle, après avoir vérifié qu‘elle présentait une valve compétente.
On retire une longueur équivalente de la veine qui présente un reflux. Le segment de veine valvulée prélevé est transplanté. Ici, une seule anastomose (raccordement) est réalisée, la seconde qui sera réalisée ensuite, rétablit la continuité de l’axe veineux .On a donc interposé une valve compétente dans l’axe veineux « défaillant ».
Source Maleti O., Lugli M., Perrin M. Chirurgie du reflux veineux profond. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire, 43-163
Fig. 25.Transposition d’une veine de la cuisse (A) :
B. La veine profonde axiale (celle du milieu) présente un reflux. La veine de gauche qui est la grande veine saphène a des valves compétentes.
C & D. On transpose la veine profonde axiale incompétente au dessous des valves compétentes de la grande veine saphène pour bénéficier de leur action anti reflux.
Source Maleti O., Lugli M., Perrin M. Chirurgie du reflux veineux profond. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris)
- Transposition. C’est encore R. Kistner (USA) qui imagina cette technique en 1982.
- Néovalve. La création d’une néo valve avec le tissu veineux du sujet a été proposée par P. Plagnol (France) en 1999 et par O. Maleti (Italie) en 2002. (Fig. 26)
Les valves bioprothétiques sont toujours en cours d’expérimentation.
Fig. 26 : Création d’une neovalve (technique de Maleti) :
A..Après avoir ouvert la veine sur quelques centimètres suivant son axe, on commence à cliver d’un coté sa paroi comme on séparerait plusieurs feuillets accolés,
- A. Ce décollement, arrêté au milieu, permet de construire une poche qui correspond à une valvule chez un sujet normal
- B. On réalise la même technique de l’autre coté créant ainsi une valve avec 2 valvules.
Source ; dessins et photos per-opératoires O. Maleti
Les syndromes de reflux des veines gonadiques (testiculaire chez l’homme, ovarienne chez la femme) et/ou pelviennes (drainent le sang veineux des parties molles du bassin et des organes qui y sont logés) . Ils peuvent être, chez la femme, à l’origine de troubles gynécologiques appelé syndrome de congestion pelvienne (H.Taylor, USA, 1949), de varices de la vulve, du périnée et des membres inférieurs. Chez l’homme le reflux des veines gonadiques engendrer une dilatation des veines du testicule et peut être responsable d’une stérilité.
Ce reflux peut être traité par sclérothérapie, mais dans les reflux majeurs on réalisait une ligature chirurgicale des veines gonadiques ou pelviennes. Actuellement, on associe l’embolisation (occlusion) des veines refluantes par des coils (petit ressort largable) et la sclérothérapie (R.Edwards, USA, 1993) (vidéo 6). Ces méthodes ont pour but d’oblitérer les veines qui sont le siège d’un reflux.